Majeur à 16 ans, est-ce bien raisonnable ?

16 ans

On aurait pu croire que les ados allaient sauter de joie. Mais la proposition de la ministre de la Famille de créer une pré-majorité fait débat chez les lycéens.

 « Pré-majorité ». Le mot est apparu mardi lors d’une interview de Dominique Bertinotti, la ministre de la Famille. Dans le cadre d’une loi qui doit être présentée devant le Conseil des ministres d’ici la fin de l’année, elle réfléchit à ce statut pour les 16-18 ans. Une des pistes est de leur ouvrir le droit de vote aux élections locales. « Cela constituerait un apprentissage de la citoyenneté », explique-t-elle à notre journal. Autre mesure : la possibilité de créer une association dès 16 ans. « Cela n’est pas réalisable aujourd’hui sans une autorisation des parents. Ce serait une reconnaissance de la personnalité pleine et entière de l’adolescent », poursuit Dominique Bertinotti.

Et pourquoi ne pas faire signer aux lycéens leur décision d’orientation avant de s’engager dans une voie professionnelle ou générale ? « Cela les associerait davantage », estime la ministre, qui veut avant tout « responsabiliser les adolescents pour en faire des citoyens éclairés ». Pourquoi 16 ans ? Dominique Bertinotti s’appuie sur les droits déjà existants, comme la majorité sexuelle à 15 ans et celui de travailler à 16 ans.

L’idée ne choque pas le pédopsychiatre Marcel Rufo. « Les adolescents sont engagés dans la vie plus tôt qu’avant, souligne-t-il. Les patho- logies sont plus précoces et leurs conduites manifestent des comportements presque adultes. » Mais la question d’avancer le droit de glisser un bulletin dans l’urne ne va pas de soi. Même auprès des adolescents. « Ça nous paraît incongru. A cet âge, on n’a pas encore appris les bases de la politique », s’exclame Maximilian Raguet, 17 ans, président de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl). « On n’est pas tous forcément bien informés », embraye Jules, en 1re scientifique à Paris.

Et puis, « les jeunes peuvent facilement se laisser impressionner, s’inquiète le président de la Fidl, cela pourrait donner la possibilité aux extrêmes comme le FN de draguer des électeurs. » Quentin, en première S à Paris ajoute : « notre opinion se cale encore sur celle de nos proches, car on commence à peine à s’intéresser à la politique. » L’Union nationale lycéenne (UNL), un autre syndicat, revendique, elle, ce droit à l’échelle locale comme nationale « car c’est un âge où les jeunes deviennent autonomes. Il est nécessaire de leur donner […] un statut qui leur permette d’être petit à petit maîtres de leur vie », à condition toutefois que cela s’accompagne « d’une éducation à la citoyenneté pour avoir toutes les clés en main pour faire un choix ».

L’UNL pense aussi que cela irait de pair avec une meilleure prise en compte des revendications de la jeunesse. « Les 16-18 ans n’ont pas les moyens de s’exprimer et leurs aspirations sont peu défendues », note le syndicat sur son site Internet. « Ça nous permettrait sûrement de nous faire entendre davantage », estime Jules. Sceptique sur le droit de vote pour les plus jeunes, la Fidl applaudit en revanche la possibilité de créer une association dès 16 ans. « Si un ado a envie de se rendre utile, cela entre vraiment dans le processus d’éducation civique », assure Maximilian Raguet.

Les parents devront-ils donner leur aval ? « Le droit de travailler ne requiert pas l’autorisation des parents, donc, si ce statut de pré-majorité est acté, ce sera pour tous », tranche Dominique Bertinotti. Le psychiatre Marcel Rufo s’interroge : « pour ceux qui vont bien, c’est une façon de s’autonomiser, mais cela pourrait laisser penser aux plus fragiles qu’ils sont autorisés à faire n’importe quoi ! Il est donc essentiel que ce statut dépende des parents, que ce ne soit pas automatique, sur le même principe que l’émancipation », prévient-il.

SOPHIE BOUTBOUL Publié le 26 sept – Le Parisien

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Publié le 25 octobre 2013 | | Laissez vos commentaires

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